dimanche 3 décembre 2017

Sa majesté P.P.R.

Portrait de l'archiduc Ferdinand ( détail)   ca 1635   Sarasota                   photo Solvej



Exposition " Rubens, portraits princiers"    Musée du Luxembourg




Ah ! Rubens, le peintre des rois, ici, le roi des peintres, toujours...Quel bonheur que cette superbe exposition, en plus la muséographie est magnifique, les couleurs de fonds artistiquement choisies, les tableaux bien éclairés et bien présentés, c'est parfait. Et, cerise sur le gâteau, il n'y a pas grand monde ...( le temps glacial a cantonné les hordes au coin du feu ). On est un peu frustré de voir seulement en projection le somptueux cycle de Marie de Médicis, mais enfin, le Louvre n'est pas loin, et on peut y aller tout le temps pour une petite piqûre de rappel.

Ce n'est pas le Rubens des folies charnelles, mais le peintre " mondain" que l'on voit dans cette exposition, celui qui s'efforce de rendre la majesté et la pompe des grands de son monde, de grandes toiles " de commande", mais la comparaison des portraits des mêmes personnages peints par d'autres donne largement l'avantage au grand Maître flamand. Portrait de cour, certes, mais la personnalité du modèle est bien évidente, ainsi d'ailleurs...que celle du peintre ! Car n'est-ce pas lui que l'on retrouve à chaque pas, il y a comme un "air de famille", mais n'est-ce pas la loi commune, de se représenter toujours un peu soi-même...dans les visages des autres.



Portrait de Louis XIII, roi de France  1622
Melbourne National Gallery of Victoria  photo Solvej



Ce portrait de Louis XIII a été peint "d'après nature", nous dit la notice, et c'est sans doute pour cela qu'il est si vivant.

Fiston ressemble beaucoup à sa maman:




Marie de Médicis, reine mère de France ( détail)
1622  Prado         photo Solvej


Et tous les deux ressemblent à Rubens, la boucle est bouclée.



Du merveilleux portrait de l'archiduc Ferdinand, j'ai envie de mettre ce détail fulgurant, grand morceau de peinture en soi :



Portrait de l'archiduc Ferdinand ( détail)  ca 1635  Sarasota     photo Solvej



et que dire de cet ongle exquis... 


Elisabeth ( appelée aussi) Isabelle
de Bourbon ( détail) 1630  Munich   photo Solvej



En sortant de l'exposition, dans le " passage obligé" produits dérivés et cartes postales ( très succinctes, comme d'habitude, maintenant que tout un chacun mitraille avec son téléphone portable ( et moi avec mon Ipad ), j'ai acheté un excellent livre que je vous recommande vivement : " Rien que Rubens", par un certain Philippe Forest, un petit ouvrage passionnant et remarquable, dont la première phrase : " Nul n'est moins maudit que lui " a tout de suite titillé ma curiosité. Et en effet, j'adhère totalement aux théories de Mr Forest, et je pense d'ailleurs que c'est pour cela que Rubens n'est pas à la mode, il énerve nos contemporains qui ne jurent que par les martyrs de l' Art torturés-par-leur-douleur-devant-ce-monde-affreux, avec sa réussite éclatante et son génie débordant. Oui, c'est un génie solaire, heureux, un peu comme J.S. Bach, il glorifie le seigneur et sa création chaque jour, en nous épargnant les chagrins et les tourments qu'il eut comme tout le monde. ( pertes d'épouse aimée, d'enfants...) et je crois que c'est pour ça que je l'aime tant.


A propos d'enfants, admirez l'adorable petite princesse, bien malheureuse ( deux ans! ) dans ses beaux atours empesés ( quelle époque ! ):



Portrait d'Eléonore de Gonzague, future impératrice,
à l'âge de deux ans, à mi-genoux   1601  Vienne KHM     photo Solvej


et son grand frère,avec son armure ( quelle époque ! bis ) ne sont-ils pas délicieux ?



Vincent II de Gonzague 1604/15
Saltram NT     photo Solvej


Beaucoup de collègues du Maître sont représentés dans cette exposition, et pas forcément les plus mauvais. Il y a notamment un remarquable portrait de Philippe IV par Velasquez, et évidemment l'élève le plus doué de Rubens, Van Dyck. J'ai craqué pour les chiens de Diego et  d'Anton :




Velasquez    Portrait de Philippe IV
en chasseur (détail ) 1632/4
 Castres        photo Solvej

Van Dyck  Portrait de Marie de Médicis ( détail )
 1631 MBA Bordeaux           photo Solvej























et aussi pour la petite vue d'Anvers qui est en fond du portrait de Marie de Médicis par Van Dyck ( quelle composition ! Le chien est en bas à gauche sur le portrait entier ) :



Van Dyck Portrait de Marie de Médicis ( détail )
 1631 MBA Bordeaux       photo Solvej


A propos de paysage, je n'ai pas  pu m'empêcher de remarquer, une fois de plus, les travaux d'embellissement modernes sur le fond du portrait de l'infante Isabelle Claire Eugénie, pas l'air commode, la dame        ( qui doit être de Brueghel de velours) ( le paysage, pas le portrait ) :




Rubens et Jan Brueghel l'ancien    L'infante Isabelle Claire Eugénie ( détail) ca 1615    Prado               photo Solvej


où l'on voit que les différents bestiaux sont hors de proportion, par rapport aux personnages...sacré Brueghel ! Quel nul !


On termine ce parcours idyllique avec le Maître himself, aimablement prêté par sa Majesté, merci Lillibet, qui se représente en ses plus beaux atours, fier de sa réussite, ( sans aucun de ces vulgaires outils, genre palette ou pinceaux) conscient de son génie, avec le plus parfait naturel.




Autoportrait    1623
Collection de sa Majesté Elizabeth II       photo Solvej
           

 Ca fait du bien ! Et je termine sur un sublime détail, un de plus ...Il est bon de regarder ces grandes toiles de loin, certes, pour en admirer les savantes compositions, mais quel plaisir de s'approcher, au plus près de cette peinture si jouissive...




Autoportrait ( détail )    1623
Collection de sa Majesté Elizabeth II      photo Solvej


dimanche 12 novembre 2017

Les greniers du Petit Palais

Berthe Morisot  Dans le parc  1874

L'art du pastel de Degas à Redon      Anders Zorn      Petit Palais






Pourquoi ce titre ? Voilà deux expositions qui me paraissent couvertes d'une quantité considérable de poussière...En effet,  "L'art du pastel", en dehors du sublime Morisot ci-dessus, de deux beaux portraits, respectivement  de Jacques-Emile Blanche et de Vigée-Lebrun, n'est qu'une litanie de "pompiers" plus moches les uns que les autres, qu'ils ont ressortis de leur grenier ( ou de leur cave). Aaaarghhh ! les portraits mondains compassés, les nus Bougueresques et grivois, les petites esquisses en veux-tu en voilà, mais de qui se moque t-on ? Ils ont même réussi à trouver un Degas merdique, faut le faire tout de même, parce que le bougre, le pastel, il connaissait . D'ailleurs, il n'y en a que deux, des Degas, et des Odilon Redon, ça oui, trois quatre, mais on sait que ce n'est pas vraiment ma tasse de thé, Odilon. Bon. Mais nom d'une pipe! L'art du pastel, c'est Quentin l'insurpassable, Liotard, Nattier, Perroneau, Rosalba Carriera la superbe c'est Manet le sublime, c'est Degas ( pas ces deux-là),Cassatt ( pas ceux-là), Whistler, Delacroix, Boldini le flamboyant, Henner, Heleu, j'irais même jusqu'au sautillant Chéret, le jeune Picasso, Vuillard, Munch, Mitchell...et j'en oublie sûrement.


Ce portrait de M.Cassatt est tout de même remarquable. J'adore le tissu du fauteuil !



Mary Cassatt  Portrait de Moïse Dreyfus  1879


Et pourtant, ça plaît. Il y a foule. On s'extasie.

En somme, le public d'aujourd'hui, essentiellement composé de bourgeois, jeunes ou vieux ( la majorité) aime cet art consensuel, pas trop perturbant, ces étalages vulgaires de virtuosité ( ça l'épate ) comme l'aimait le public de la Belle Epoque, et qui ne fait pas trop se poser de questions sur la peinture, qu'est-ce que la peinture...Au milieu de ce naufrage, je sauverai quand même un certain Charles Léandre, portraitiste mondain, certes, mais dont j'apprécie beaucoup le contraste entre un rendu sensible sur les visages et une touche enlevée dans le décor. Et puis, c'est un très bon dessinateur, indispensable pour qui veut se frotter aux délectables et friables bâtonnets.




Charles Léandre   Portrait de Madame
Sylvio Lazzari 1895




Charles  Léandre   Portrait de Madame Marguerite
 Gouverné (détail)1904 




















Un qui est aussi un très bon dessinateur,c'est Anders Zorn. C'est pourquoi ses aquarelles du début de sa carrière sont si belles ( oui, la peinture à l'eau c'est bien plus difficile que la peinture à l'huile ). Je suis d'emblée charmée, dès la première salle de cette énorme rétrospective, par  ces aquarelles.




Anders Zorn   Colline boisée 1885


         Encore que je leur trouve un petit " chic" suspect. Et en effet, ça se gâte dès la deuxième salle, et en avant les grands effets, et rebelote les portraits pompeux, et cette couleur dégueu, saturée de blanc, plombée, il n'y a pas un seul ton franc. Et puis tous ces sujets "fin de siècle", et la petite période " scandinave-libéré-retour à la nature," avec ses baigneuses grassouillettes et roses sur fond vert malachite, ah mais je déteste ça ! Comme disait mon mari, je préfère Carl Larsson ( comme suédois) ( ou Alexandre Roslin, magnifique portraitiste du XVIIIème siècle ).


Désolée, Messieurs mesdames, mais en peinture scandinave, les champions ce sont les danois ( non, je ne suis pas chauvine), puis les finlandais, les norvégiens. Mais les suédois, qu'ils continuent à faire d'excellents polars, c'est mieux !


Et pour ne pas " rester sur une contre", comme on dit au tennis, quelques éminents scandinaves :



Johan Christian Dahl ( norvégien) 
Etude de nuages avec horizon  1832  Berlin

Willem Hammershøi ( danois) Vieille femme 1886






















Erno Järnefelt ( finlandais) Scenery from Koli.

Anna Ancher ( danoise) Sunlight in the Blue Room,
1891  Skagen M























Akselli Gallen-Kallela ( finlandais) Lake view 1901



Per Kirkeby ( danois) 2012

Asger Jorn ( danois) Untitled 1971





















                                                 

                                                            Voilà ce que j'appelle de la Peinture !