samedi 14 juin 2025

La cavalière bleue

               
  Paysage avec cabane au couchant, 1908  
Museum Gunzenhauser Chemnitz




Peindre sans détours   Exposition Gabriele Münter      Musée d'Art Moderne 



 C'est agréable d'être accueilli dès l'entrée de l'exposition  par le magnifique portrait que Kandinsky fit de sa compagne en 1905, et qui concluait mon article sur la Lenbach Haus à Munich ( un cheval bleu ) ainsi en quelque sorte on est dans une continuité. Certes à Munich Madame était un peu écrasée par son Kandinsky de mari ( j'ai toujours dit que c'était pas bon les couples d'artistes ! ) mais là ici, elle est seule et  son talent n'aura aucune concurrence. 

Au début elle peint un peu comme Kandinsky, avec d'épaisses touches de couleurs un peu "impressionnistes" au charme indéniable,


  Aloès, 1905
Gabriele Münter und Johannes
Eichner Stiftung Munich

 Vue par la fenêtre à Sèvres, 1906
 LenbachHaus Munich

 

mais Gabriele Münter est une formidable dessinatrice, et ajoute à la pratique du dessin celle de la lino-gravure, qui certainement va progressivement amener l'épuration des formes dans son style.  

 Soir d'automne-Sèvres, 1907
 LenbachHaus Munich


C'est aussi une excellente portraitiste, mais cela n'a rien d'étonnant quand on voit ses dessins


  Hilde accroupie,1927
Gabriele Münter und Johannes 
Eichner Stiftung Munich

 Avec une lettre,1930
Gabriele Münter und Johannes 
Eichner Stiftung Munich






















Un oeil aussi absolu, c'est assez rare. 


Mme Olga von Hartmann, 1910
Gabriele Münter und Johannes 
Eichner Stiftung Munich

 Vase rouge, 1909
Gabriele Münter und Johannes 
Eichner Stiftung Munich






















Et déjà, en 1909/10 elle va élaborer ce style très personnel, à la fois résultat d'une épuration de la forme inspirée de l'art populaire nous dit-on ( elle avait une incroyable collection de fixés sous verre ) mais qui n'a rien de naïf bien au contraire. Il faut regarder de très près la sophistication de tous ces petits pans de mur jaune ( ou vert ou rouge ) :

 Nature morte au fauteuil ( détail),
1909 
Gabriele Münter und Johannes 
Eichner Stiftung Munich







En plus la dame ne manque pas d'un humour bienvenu, ce portrait de Jawlensky, plus vrai que nature !

 Nature morte dans le tramway,
1912
 Gabriele Münter und
Johannes Eichner Stiftung Munich






 
A l'écoute
 ( portrait de Jawlensky),1909
 LenbachHaus Munich























La photo ne rend pas tout à fait justice à ses magnifiques nuages, peints avec une vigueur paradoxale mais si justes dans leur observation. J'adore, de même que ses petits arrangements de choses ayant un lien entre elles qui me rappellent l'antre magique des Lilas  ( Jamais deux sans trois ! )

 Nuages du soir, 1910  Coll p

 Nature morte au  St Georges, 1911
 LenbachHaus Munich




Après la guerre et avant 1930 et son retour à Murnau, Gabriele se perd dans une crise un peu bizarre, abandonne le moelleux de ses " taches " pour une sorte de stylisation sèche années 30, méconnaissable.

 Echafaudage,1930
Gabriele Münter und Johannes 
Eichner Stiftung Munich



Grâce au ciel, son installation définitive à Murnau va lui rendre ses belles couleurs et son goût pour la nature, irrésistible petit déjeuner des oiseaux, que je partage avec joie, comme elle,  dans mon petit royaume boulonnais.


  Route menant aux montagnes, 1936
 SchlossM Murnau

 Petit-déjeuner des oiseaux, 1934
 NMWA Washington



















En somme, une très belle exposition, qui met en juste lumière une belle talentueuse, et au Musée d'Art Moderne, où même avec l'affluence, on peut circuler sans problème !

 Autoportrait,  1910
Thyssen Bornemisza Madrid

 Autoportrait, 1921
Gabriele Münter und Johannes 
Eichner Stiftung Munich
 

  Autoportrait, 1935
Gabriele Münter und Johannes 
Eichner Stiftung Munich
  

Toutes les photos  crédit ©Solvej

vendredi 13 juin 2025

Ras le bol !

 
Paolo Quaresima, Untitled 2017
 


De la virtuosité


Je ne sais pas si vous avez remarqué, mais depuis quelques temps, on en  est revenus aux grandes heures de la nature morte " qui en jette" comme au 17è siècle, dans la riche bourgeoisie hollandaise ou flamande, où il était de bon ton de décorer les murs de sa salle à manger avec des étalages de vaisselle précieuse et de mets recherchés. Bon, ça n'empêchait pas certains d'être meilleurs que d'autres, comme Pieter Claesz par exemple.

Mais je constate chez mes collègues une nette propension à montrer son savoir faire, style " je suis le meilleur sur la cafetière en émail " . La forme pour éluder le fond...
Tous ces champions de l'ellipse, ces stakhanovistes du reflet le plus compliqué possible, ces prétentieux qui font rien qu'à étaler leur léchage parfait ( d'après photo) sont d'un ennui profond. Leurs natures sont vraiment mortes, glacées, comme ce monde mercantile où j'imagine que l'acheteur qui acquiert une de ces oeuvres a le sentiment de n'avoir pas été volé.

Willem de Bont, Still life 2020

Scott Noel, Untitled 2015

Dennis Møgelgaard,
Still life with bowl biscuit and knife 2021

Hank Helmantel, Nature morte 2005


 
Ah, où sont Chardin, Zurbaran, Goya, Manet, Ensor, même Cézanne et tant d'autres, et Largillierre, tiens un petit rapprochement

 Juan Manuel Jaimes Roy,  Uvas 2021

Nicolas de Largillierre,
Deux grappes de raisin 1677




















mais il n'y a  pas de bol chez le français, et ce n'est pas la seule différence !

Joseba Sánchez Zabaleta,  
Elogio de lo simple 2021


Le champion du bol est espagnol, et encore plus fort : l'assiette en verre festonnée et ses petits reflets. Cela dit, ce bol-là n'est pas dénué d'une certaine sensibilité, de même que les os de poulet... 

Joseba Sánchez Zabaleta, Plato con huesos 2022














...qu'il n'a pas donnés à son chien, ça va de soit.
Et tout compte fait, je trouve que son bol est plus vivant que son chien, qui manque nettement de poil (enfin, c'est un Labrador )




 

Joseba Sánchez Zabaleta,
 Portrait de Odei  2019 



Donc ma théorie du jour est complètement fausse et contradictoire, ma tactique était toc,  uniquement dictée par la basse jalousie qui me consume d'avoir jamais été foutue de faire une ellipse correcte à main levée, on oublie tout, et au moins vous aurez vu de belles images !


Dick Ket,  Nature morte avt 1940 

Solvej, L'hiver dans la cuisine 2007 Coll p



                                                                                            Hi hi, on comprend pourquoi je bave...
                                                                               ( et en plus la photo est pourrie, mais je n'ai que celle-là )